Le sermon de paix

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Nous étions le 8 mai 2015. Étienne de Calade, ermite chrétien vêtu d’une simple tunique blanche avait choisi de vivre en retrait de la société afin de se préserver de l’esprit du monde qui dévorait les hommes comme un ogre dévore ses propres enfants. Étienne marchait sereinement sur un sentier forestier lorsqu’un homme, vêtu d’un costume cravate, l’aborda.

« Bonjour monsieur, je suis en panne de voiture et j’ai un rendez-vous très urgent. Pourriez-vous m’aider d’une manière quelconque ? lança l’homme de taille plutôt imposante.
– Bonjour cher frère en Christ, vous semblez bien pressé. Que se passe-t-il ? répondit calmement Étienne en plantant dans le sol un grand bâton de pèlerin.
– Je vous l’ai dit, je suis en panne et j’aurai besoin de passer un coup de fil. Ce n’est pas dans cette forêt que je vais trouver une cabine téléphonique, répliqua l’homme d’un air supérieur.
– Je ne possède pas de téléphone portable et je ne connais rien à la mécanique, dit Étienne en regardant paisiblement l’homme qui suait abondamment.
– Bon, je n’ai pas de temps à perdre. Je vous remercie quand même, rétorqua l’homme en donnant un violent coup de pied dans une motte de terre.
– L’ami, il n’est pas utile de vous mettre en colère. Vous êtes coincé dans cette forêt et ce n’est pas par hasard, lança Étienne d’une voix inspirée.
– Je me passerai allègrement de vos leçons bigotes, rétorqua l’individu en pointant subitement l’index en direction d’Étienne.
– Oubliez votre rendez-vous d’affaire. Vous ne serez jamais à l’heure et sachez que votre client est intéressé par un revendeur japonais. Il souhaitait vous rencontrer par politesse, pour voir s’il avait, éventuellement, quelque chose à gagner avec vous, répondit Étienne en regardant le ciel d’un air désinvolte.
– Comment savez-vous cela ? Vous m’espionnez ? Qui êtes-vous ? lança l’individu qui bomba soudainement le torse.
– Je vous ai déjà dit que vous ne serez jamais à l’heure. Je peux lire, dans votre colère, vos pensées et vos émotions. L’énervement mène à chaque fois dans une impasse, répondit Étienne en souriant.
– Vous n’avez pas répondu à ma question ! J’ai de nombreux avocats qui pourraient vous attaquer en procès si vous refusez de me donner le nom de celui qui vous emploie ! lança l’homme d’un air particulièrement menaçant.
– Je ne suis qu’un ermite qui a fait le choix de vivre loin de l’agitation du monde. Je vis de cueillette et de prière dans une simple cabane de bois. Vous pouvez m’envoyer tous les avocats et les huissiers du monde, cela ne mènera à rien, car, mon bien le plus précieux est ce petit livre de saint François de Sales, « l’introduction à la vie dévote », répondit Étienne en lui tendant le vieux livre à la couverture abîmée.
– …. l’homme semblait interloqué et ne répondait pas tandis qu’un chant d’oiseau apaisa la lourde atmosphère.
– Dieu vous bénisse » dit Étienne en traçant un signe de croix dans les airs.

Une brise fraîche se leva soudainement pour venir caresser les joues du quidam. L’individu se retourna comme s’il sentait une présence autour de lui. Son visage changea soudainement d’expression. Quelques instants plus tard, l’homme à la carrure imposante tomba à genoux.

« Qui êtes-vous ? Questionna le géant d’une voix qui trahissait son émotion pendant qu’il regardait l’homme au bâton de pèlerin.
– Je suis, en toute humilité, au service du Seigneur. Dieu vous a envoyé ici pour que je vous offre un précieux trésor, lança Étienne d’un air rempli d’amour.
– Mon Dieu, pourquoi suis-je si troublé tout à coup ? lança l’homme en desserrant sa cravate comme si elle avait l’intention de l’étrangler.
– Le Seigneur vous fait la grâce d’ôter vos péchés, Antoine, répondit Étienne en plaçant sa main droite sur le cuir chevelu du géant qui s’était agenouillé comme un enfant.
– Comment connaissez-vous mon prénom ? lança l’homme en sentant les larmes lui monter aux yeux.
– Les voies du seigneur sont impénétrables. Dieu souhaite que je vous donne Son trésor avant de vous laisser partir. Lorsque ce sera accompli, Il vous enverra un camion qui s’arrêtera là-bas, au bout du chemin, répondit Étienne d’une voix douce comme celle d’un prêtre, mais, déterminée comme celle d’un lion.
– Je ne comprends rien. De quel trésor parlez-vous, mon père ? lança Antoine qui se comportait comme un adolescent intimidé par l’autorité paternelle.
– Je ne suis pas prêtre, je ne suis qu’un simple ermite. Dieu me dévoile certains de Ses secrets. Le trésor dont je vous parle est purement spirituel. Dans ce monde d’argent, de force et de gloire, les Paroles de Dieu se perdent dans le marasme du quotidien. Comme le poison du corps entre par la bouche, celui du cœur s’infiltre doucement par l’oreille lorsque de mauvaises langues prononcent de funestes paroles. Dans cette société impie où tout n’est qu’illusion, apparences trompeuses et tricheries en tout genre, le mal prend de nouvelles formes. Satan remplace lentement cette ère de corruption en se faisant passer pour Dieu. Pourquoi croyez-vous que les enseignements de Jésus-Christ soient actuellement haïs avec autant de virulence ? Les gens tombent dans le piège du mensonge en s’attachant à des paroles chargées d’une violence sous-jacente plutôt qu’à des propos empreints de vérité. Les forces invisibles sont suffisamment puissantes pour influencer durablement les populations à travers les sombres pensées qui circulent dans le monde. En ayant fait le choix de me retirer de cette civilisation impie, je retrouve le cœur aimant de Dieu lorsque je prie avec charité, foi et espérance. L’Amour véritable offre de grandes grâces, car, c’est le plus court chemin pour monter vers le Père, répondit calmement Étienne.
– Pourquoi vois-je mes péchés ? sanglota Antoine en regardant le sol. Je me sens coupable pour tout le mal que j’ai fait. Je vois mes erreurs comme si on me les soufflait. Ce bruit me brise le cœur car je ne suis plus en paix. Faites quelque chose pour que Dieu me pardonne, je vous en prie.
– Dieu vous montre vos erreurs pour que vous ne recommenciez plus. Il vous pardonne, dit Étienne en traçant un signe de croix sur le front de l’homme effondré. Pleurez, car, c’est dans les larmes que le cœur est nettoyé et l’âme purifiée. Maintenant, laissez-moi vous raconter une petite histoire qui vous fera comprendre la gravité de la situation.
– Tout ce que vous voudrez, monsieur, répondit Antoine en s’accrochant comme un enfant à la tunique blanche d’Étienne.
– Balaam, devin de la ville de Péthor, monté sur une ânesse, allait trouver le roi Balac, et, comme il n’avait pas une intention droite, un ange l’attendait en chemin avec une épée pour le tuer. Cette pauvre bête, qui vit l’ange, s’arrêta par trois fois, quelques efforts que fit le prophète, à grands coups de bâton, pour la faire avancer, jusqu’à ce qu’enfin s’étant abattue sous lui, à la troisième fois, elle lui parla, par un miracle bien extraordinaire, pour lui adresser ce reproche : « que vous ai-je fait, et pourquoi me frappez-vous ainsi jusqu’à trois fois ? » Le Seigneur ayant alors ouvert les yeux à Balaam, ce prophète aperçut l’ange, qui lui dit « Pourquoi as-tu battu ton ânesse ? Si elle ne se fut détournée, je t’eusse tué, et je l’eusse épargnée. » Alors Balaam dit à l’ange « J’ai péché, car je ne savais pas que vous vous opposassiez à mon voyage. » Balaam était la cause de tout le mal, et il s’en prenait à son ânesse, qui n’y avait nulle part ; c’est ainsi que nous agissons dans nos affaires. Un homme commet souvent un péché, et aussitôt sa conscience lui perce le cœur par des reproches intérieurs, qu’elle lui représente comme des traits de la colère de Dieu ; revenant alors à lui : « Ah ! Chair rebelle, dit-il, corps déloyal, tu m’as trahi » ; et il décharge son indignation sur sa chair par l’usage immodéré des austérités. Ô pauvre âme, si la chair pouvait parler comme l’ânesse de Balaam, elle te dirait « Pourquoi me frappes-tu ? C’est contre toi que Dieu s’arme de sa colère ; c’est toi qui es criminelle. Pourquoi me conduis-tu à de mauvaises conversations ? Pourquoi appliques-tu mes yeux et mes sens à des objets déshonnêtes ? Pourquoi me troubles-tu par de sales imaginations ? Cultive de bonnes pensées et je n’aurai pas de mauvais sentiments ; fréquente des personnes qui aient de la pudeur, et la passion ne s’allumera pas en moi. Hélas ! Tu me jettes dans le feu, et tu ne veux pas que je brûle ! Tu me remplis les yeux de fumée, et tu ne veux pas qu’ils s’irritent ! ». Et Dieu vous dit alors : « Brisez vos cœurs de douleur, mortifiez-les, faites-leur porter la pénitence qu’ils méritent, c’est principalement contre eux que je suis irrité. » À l’égard de nos vices, quoiqu’il soit bon de mortifier la chair, il est surtout nécessaire de purifier le cœur » conclut Étienne en parlant avec emphase comme s’il s’agissait de Démosthène prononçant l’un de ses discours de rhétorique grecque.

Antoine, émerveillé par la magnifique théologie chrétienne, buvait les paroles d’Étienne. Il venait subitement de prendre conscience de l’existence de son esprit et de son corps, non pas comme un tout parfaitement banal, mais comme un cœur qui dirigeait la chair. Antoine, trop habitué à vivre dans le luxe, le bruit et le stress, s’était lui-même perdu dans le tumulte moderne. Il n’avait qu’à tendre le bras pour étancher sa soif lorsque sa bouche était sèche, combler le vide en allumant la télévision, manger au restaurant du quartier lorsqu’il avait faim. Son corps n’était plus qu’un portefeuille au service de la consommation, son cœur n’ayant plus aucune place dans les affaires quotidiennes.

La leçon spirituelle que venait de prononcer Étienne lui rappela la réalité de l’existence. Tandis que la société moderne essaye d’anesthésier l’individu en le travestissant de toutes les manières possibles et imaginables, la civilisation antique cherchait à élever l’esprit et à éduquer le corps de ceux qu’elle considérait comme ses dignes enfants. L’esprit du mensonge moderne se confrontait à l’esprit de vérité des civilisations chrétiennes. Satan se cache dans le big-data, derrière les ordinateurs personnels, tandis que Dieu patiente dans l’un de ces fabuleux livres que de vénérables saints ont pieusement rédigé dans un passé plus ou moins lointain.

Antoine entendit soudainement de magnifiques chants s’élever dans les airs, autour de lui, comme si une armée de fidèles anges rendaient hommage au Père. Une sensation d’Amour, apaisante, légère et lumineuse tomba lentement dans son cœur, comme une feuille chuterait de l’arbre, en tourbillonnant sur elle-même, pendant l’une de ces douces journées d’automne. Ce surplus d’Amour leva une montagne de larmes. Son cœur, nettoyé de ses multiples péchés, évacuait le goudron pour le remplacer par une saine nourriture. La douce Mère du Ciel offrait sa douceur pendant que le Père distribuait son hostie consacrée. Antoine s’abandonnait dans ces bras aimant comme le nourrisson se laisse bercer par la douce voix maternelle.

« Vous m’avez fait découvrir l’Amour authentique, frère en Christ, dit Antoine en ouvrant les yeux comme si deux journées venaient de s’écouler.
– Le camion va bientôt apparaître au bout du chemin. Je vous conseille de vous en aller maintenant, Antoine, répondit Étienne en souriant tendrement à l’homme nouvellement converti.
– Merci, vous avez raison, rétorqua Antoine en regardant sa montre. Attendez un instant. Je vous ai rencontré à 15h30. Or, à ma montre, il est toujours 15h30. Nous n’avons pas pu rester ensemble moins d’une minute. Que se passe-t-il ?
– Cher frère en Christ. Dieu vous a offert Son Amour gratuitement. La Charité s’exprime dans l’atemporalité. Voilà pourquoi votre montre indique toujours la même heure. Maintenant, va et ne pèche plus » répondit Étienne d’une voix toute spirituelle.

Antoine se releva et regarda autour de lui, un peu ahuri. Le chemin était désert. Il était seul. L’ermite avait disparu. Le vent souffla doucement sur ses joues. Une intense sensation d’Amour lui rappela cette visite en provenance de l’Éternité. Antoine rebroussa chemin. Lorsqu’il arriva au bout du sentier pédestre, un camion l’y attendait. Il reconnut le visage d’Étienne dans celui du routier qui patientait à côté de sa voiture.

« Monsieur, on se connaît ! Comment avez-vous fait pour arriver là ?! dit Antoine d’une voix souriante.
– Bonjour, répondit l’homme d’un ton lancinant. J’ai reçu un coup de fil de votre assurance suite à la panne de votre véhicule. La conseillère m’a demandé de vous attendre à 15h30 précise. C’est ce que j’ai fait, mais, je vous garantis que je ne vous connais pas.
– Ah bon ? Je croyais pourtant vous avoir rencontré là-bas, rétorqua Antoine en pointant du doigt le sentier forestier qui se tenait derrière lui.
– Bon, allons-y maintenant, car le temps presse ! » s’écria le chauffeur en secouant la tête.

Antoine monta du côté passager. Le camion démarra. Au loin, sur le sentier pédestre, il crut apercevoir, de dos, un pèlerin vêtu de blanc. Une soudaine envie de pleurer l’envahit. Les mystères de Dieu se dévoilent à ceux qui ont le cœur pur.

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5 commentaires pour Le sermon de paix

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  4. Un chrétien dit :

    C’est un beau texte, plein de sagesse chrétienne. J’ai eu plaisir à le lire. Cette scène aurait pu arriver à n’importe lequel d’entre nous.

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    • samuel dit :

      Il y a une autre scène qui se produit pas si fréquemment, or plus le monde s’enferre
      à bannir la sagesse chrétienne depuis Jacques 3:15 , et plus la multitude semble graduellement être pris d’un étrange malaise à l’appréhension des autres événements
      à venir. Aussi est-il écrit: Il ne suit pas la folie des insensés, car c’est bien partout le dévoiement général pour les premières tendances venant du nombre. Et encore: Le Seigneur connaît les pensées des « sages », il sait qu’elles sont vaines sous le soleil …

      1 Corinthiens 1:20
      Éphésiens 4:14

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